Propriété privée

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La propriété privée est le droit de posséder et de disposer d'une chose.

En particulier, les marxistes s'intéressent à la propriété privée des moyens de production, qui détermine les classes sociales. La propriété des moyens de production a pu historiquement être individuelle ou partagée, ou encore, depuis le 20e siècle, possédée par une entreprise ou une autre personne morale. Pour les marxistes, les classes sociales sont déterminées fondamentalement par leur rapport à la propriété des moyens de production

1 Les deux types de propriété privée[modifier | modifier le wikicode]

Comme le remarquait Karl Marx, l'idéologie bourgeoise, notamment les économistes, fait comme si la propriété d'un bien de consommation courante et la propriété d'un moyen de production était de même nature. Cela sert en effet à faire croire que le fondement du capitalisme (le fait qu'une poignée de bourgeois possède les entreprises) est quelque chose de naturel. Au contraire, Marx rappelait que l'un de ces types de propriété est en contradiction avec l'autre (c'est parce que la propriété des moyens de production est privée que certains sont privés de propriété individuelle).

« L'économie politique cherche, en principe, à entretenir une confusion des plus commodes entre deux genres de propriété privée bien distincts, la propriété privée fondée sur le travail personnel, et la propriété privée fondée sur le travail d'autrui, oubliant, à dessein, que celle-ci non seulement forme l'antithèse de celle-là, mais qu'elle ne croît que sur sa tombe. »[1]

Il faut cependant reconnaître le mérite de la clarté au libéral Ludwig von Mises lorsqu'il écrit :

« Le programme du libéralisme devrait donc, résumé en un seul mot, se formuler ainsi : propriété, c'est-à-dire propriété privée des moyens de production (car la propriété privée des biens de consommation va de soi, et elle est admise même par les socialistes et les communistes). Toutes les autres exigences du libéralisme découlent de cette exigence fondamentale. »[2]

2 Histoire de la propriété privée[modifier | modifier le wikicode]

Contrairement à ce que l’idéologie capitaliste voudrait faire croire, la propriété privée n’a pas toujours existé. Si l’on regarde sur l’échelle du temps, on peut même dire que l’apparition de la propriété privée est très récente dans l’histoire de l’Humanité. Auparavant, il existait la communauté primitive, ce que Marx appela le « communisme primitif », fondée sur la propriété commune, ignorant la propriété privée ou les classes sociales et où chaque membre participait à la production pour assurer la survie du groupe.

2.1 Les communautés primitives[modifier | modifier le wikicode]

ChasseurCueilleuse.gif

Ce type de société, aussi appelé société de chasseurs-cueilleurs, a été la seule façon de s’organiser pendant plus de 100 000 ans. Il n’y a que 10 000 ans environ que les premières sociétés de classes et la propriété privée ont commencé à apparaître.

Ces communautés primitives, pour vivre, combinaient d’un côté la chasse et de l’autre la cueillette. Nomades, elles ne pouvaient pas stocker de grosses quantités de nourriture et se déplaçaient lorsque cette dernière venait à manquer. Dans ces sociétés, chaque individu était intégré  à la production des biens de première nécessité. Ainsi, la communauté se partageait la nourriture. Il n’y avait aucun espace pour que des classes sociales ou la propriété privée apparaissent.

2.2 Division de la société en classes sociales[modifier | modifier le wikicode]

Dans les sociétés primitives, l’Homme dépendait largement de la nature environnante. C’est sur base de cette dépendance et des difficultés inhérentes à vivre dans une nature « hostile » qu’il a développé des instruments de travail.

C’est ainsi que l’Homme se distingue de l’animal, en fabriquant des outils lui permettant d’améliorer ses conditions de vie. Et ces outils le transforment en retour, tant physiquement que psychologiquement. Par exemple, la main devient l’organe du travail, habituant l’Homme à adopter la position verticale. Le travail en commun a permis l’apparition du langage articulé… Le travail et le langage ont tout deux joué un rôle déterminant dans le développement du cerveau.

Engels, dans Rôle du travail dans la transformation du singe en homme écrivit :

« Le travail est la condition fondamentale première de toute vie humaine, et il l’est à un point tel que, dans un certain sens, il nous faut dire : le travail a créé l’homme lui-même. »

Engels, rôle du travail dans la transformation du singe en homme.

Cette analyse du développement de l’Homme permet de comprendre comment, il y a environ 10 000 ans, après une longue période de changements et d’apprentissages, une toute nouvelle société allait apparaître, basée sur de nouveaux rapports de production.

2.3 Révolution néolithique et débuts de la propriété privée[modifier | modifier le wikicode]

Il y a environ 10 000 ans, deux découvertes ont permis un changement considérable dans la façon de produire dans la société : l’agriculture et l’élevage.  Les communautés développant l’agriculture et l’élevage ne furent  plus obligées de dépendre des productions de la nature. Elles  produisaient  elles-mêmes ce dont elles avaient besoin pour vivre en contrôlant leur environnement.

Ces découvertes entraînèrent  également la sédentarisation des communautés, ce qui permit de stocker des réserves de nourriture, celles-ci étant plus abondante grâce à une productivité accrue.

Pour la première fois, la société humaine réussissait à produire un surplus permanent, libérant une partie des individus de la production de biens de première nécessité, qui purent se consacrer à d’autres activités comme l’artisanat.

Dans ces sociétés commença aussi la division sociale du travail et les échanges. Diverses communautés, et même différents membres d’une même communauté se spécialisèrent dans des activités distinctes (ex : formation de tribus de pasteurs). Cela permit d’énormes progrès par une meilleure connaissance de l’activité exercée, ainsi qu’une augmentation de la production.

Là où les communautés primitives ne pratiquaient quasiment pas l’échange (tout était produit et consommé), les communautés reposant sur la division sociale du travail devaient pratiquer l’échange (Exemple : l’éleveur échange de la viande contre du blé de l’agriculteur qu’il ne produit pas lui-même.).

2.4 Apparition de la propriété privée et des classes sociales[modifier | modifier le wikicode]

La communauté primitive reposait sur la coopération de la production afin de produire pour que tous les membres du groupe puissent se nourrir et vivre. La spécialisation dans la production, le perfectionnement des instruments de travail et l’augmentation de la productivité permirent de passer rapidement à l’exploitation individuelle. L’économie communautaire et la nécessité du travail en commun avaient moins d’importance. Le travail individuel instaura progressivement la propriété privée.

La propriété privée et l’augmentation des forces productives entrainèrent petit à petit la désagrégation de la communauté primitive et l’apparition de grandes familles patriarcales.

De nouvelles formes de communautés se substituèrent à l’ancienne, comme la communauté rurale…

Dans ces sociétés, l’habitation, le bétail, etc. étaient la propriété privée de chaque famille. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, c’est le sol qui resta le plus longtemps propriété commune (avec des survivances comme le mir...). Lui aussi finit par tomber dans la propriété privée.

Toute la structure de la société primitive fut bouleversée par la propriété privée et les échanges. Les différents groupes de ces nouvelles sociétés avaient des intérêts différents. Les anciens, les chefs de village, les prêtres, les administrateurs, les militaires, de par leur place privilégiée dans la société, s’approprièrent une grande partie de la propriété commune et se détachèrent des masses pour former une aristocratie se transmettant par hérédité. C’est ainsi que naquit la première division de la société en classes sociales par l’appropriation de la propriété collective par un nombre restreint d’individus. La forme de propriété qui était centrale était la propriété foncière, et elle le resta tout au long des sociétés précapitalistes.

Pour maintenir cette domination de classe et d’appropriation privée de production réalisée socialement, la nouvelle élite dirigeante mit en place une législation ainsi que des groupes d’individus assurant leurs intérêts de classe (guerriers, serviteurs, prêtres…) Ainsi, la continuité de la classe dominante et de sa propriété privée était assurée.

Le passage de la propriété collective à la propriété privée et à la société de classe ne se fit pas sans résistance. Dans certains groupes, aucune classe dominante n’émergea car la majorité y était opposée. Cependant, les sociétés dirigées par une classe dominante avaient des forces productives plus développées et une tendance à l’expansion géographique pour le maintien de leur domination. Cette expansion va absorber les dernières communautés primitives (sauf celles qui étaient isolées), et leurs membres furent réduits en esclavage, entrant ainsi dans les forces productives des sociétés de classe qui deviendront pour la plupart esclavagistes. Dans ces sociétés, l’esclave lui-même était la propriété privée de son maître.

2.5 Propriété privée sous le féodalisme[modifier | modifier le wikicode]

Féodalisme.png

Sous le féodalisme, l’esclavagisme disparut au profit du servage. Dans cette société, les terres appartenaient aux seigneurs. Les serfs, descendants des esclaves, n’étaient plus la propriété de leurs maîtres. Mais, comme dans toute société de classe, la classe dirigeante devait exploiter le travail des serfs pour assurer sa domination. Dans cette société, le seigneur s’accaparait le surtravail du serf sous la forme d’une rente foncière. Le serf cultivait la terre. Soit il produisait suffisamment pour payer une rente en nature ou en argent. Soit il travaillait une partie de la semaine sur les terres du seigneur. C’était la corvée. Le serf était donc conscient du vol social dont il était victime.

2.6 Prémisses du capitalisme[modifier | modifier le wikicode]

Vers la fin du Moyen âge, de nombreux bouleversements allaient accélérer le changement de société. La conquête de l’Amérique, la navigation autour du monde, le commerce colonial, les avancées dans la science, allaient permettre à une nouvelle classe naissante de se développer : la bourgeoisie.

Le mode de production féodal ne suffisait plus aux besoins toujours croissants des marchés. En contradiction avec les forces productives naissantes du capitalisme, la société féodale allait perdre progressivement son influence et le pouvoir économique sur la société. Or, c'est le pouvoir économique qui détermine la structure politique d’une société.

Plus la division du travail et la grande industrie s’implantaient, plus la bourgeoisie faisait des progrès politiques. La bourgeoisie a joué un rôle révolutionnaire dans le changement de société. C'est ce qui a été accompli par un ensemble de révolutions bourgeoises et d'évolutions plus progressives, qui ont généralisé le modèle de l'État moderne, plus ou moins démocratique (forme qui permet aux bourgeois de diriger par le pouvoir économique, sans qu'il y ait besoin d'une caste officiellement privilégiée), mais surtout garantissant le droit de propriété.

Pour que le capitalisme se développe dans la société féodale, il lui fallait constituer du capital. Mais, sous le féodalisme, il n’y avait pas encore d’industrie, et peu de manufactures, donc pas de possibilité d’accumulation du capital. Ce fut par des processus marchands et bancaires appuyés sur la violence (pillage des nouveaux territoires, commerce triangulaire, réintroduction de l’esclavage…) qu’apparurent les premières accumulations de capital dit « capital primitif ». Ce capital ne reposait pas sur l’exploitation du travail salarié.

Cette accumulation initiale de richesse fut investie en capital dans les nouvelles manufactures qui furent les premières entreprises véritablement capitalistes. Ces manufactures, coexistant avec le féodalisme, étaient la propriété privée des premiers bourgeois. Contrairement à l’ancien mode de production féodal, le but de la manufacture était de produire le plus possible pour réaliser le maximum de profit. Ce fut pour cette raison que la division du travail se retrouva jusqu’au sein de l’atelier, et que progressivement, la mécanisation fit son apparition au fil des découvertes techniques. A partir de ces manufactures, les bourgeois accumulèrent du capital et le réinvestirent, amorçant une croissance rapide qui mènera à la révolution industrielle. Ce capital reposait sur l’exploitation du travail salarié.

Dans le processus de production des manufactures, les marchandises, produites par une armée de travailleurs, étaient accaparées par le bourgeois, propriétaire des moyens de production, qui les revendait pour en tirer des profits. En échange de leur force de travail, les travailleurs recevaient un salaire. Ce salaire, souvent basé sur le minimum vital, était censé assurer la survie des travailleurs et de leur descendance (reproduction de la force de travail).

Voici les évènements qui permirent à la bourgeoisie de s’ériger en nouvelle classe dominante.

3 Capitalisme et propriété privée[modifier | modifier le wikicode]

3.1 Fondements de la société capitaliste[modifier | modifier le wikicode]

Cette propriété privée signifie qu’un petit nombre de capitalistes détient l’ensemble des moyens de production, de transport, d’échange, etc.

Les travailleurs, eux, privés de propriété privée, n’ont que leur force de travail à vendre pour vivre.

3.2 Capitalisme, propriété privée et prolétariat[modifier | modifier le wikicode]

Pyramid Capitalism

Grâce à l’accumulation de capital et les découvertes techniques, la bourgeoisie a érigé comme modèle la grande industrie et le marché mondial. Elle s’est approprié le pouvoir politique dans la plupart des pays avancés, créant ainsi un pouvoir et un État à son service.

Marx et Engels écrivaient dans le Manifeste du parti communiste :

« Le gouvernement moderne n’est qu’un comité qui gère les affaires communes de la classe bourgeoise toute entière »

La propriété privée des moyens de production (donc de la production, des transports, et des échanges) assure à la classe capitaliste la suprématie économique. Cette propriété privée oblige le capitaliste à produire toujours plus de marchandises avec des machines en constant perfectionnement, afin de rester compétitif sur le marché où il est en concurrence avec d’autres capitalistes. Cette logique réduit petit à petit la société à se diviser en deux classes fondamentalement opposées : la bourgeoisie et le prolétariat.

La bourgeoisie possède tout. Le prolétaire ne possède que sa force de travail qu’il vend au capitaliste pour pouvoir assurer sa survie ainsi que celle de sa famille. Les prolétaires ne sont pas composés que d’anciens serfs. Toute une partie de la classe moyenne, incapable de résister à la concurrence de la grande industrie, rejoint petit à petit le prolétariat.

On le voit, la propriété privée des moyens de production a créé une nouvelle classe sociale totalement dépendante du travail dans l’industrie : le prolétariat. Considérée comme une marchandise, la force de travail du prolétaire est achetée par le capitaliste. Pour rester compétitif sur le marché, le capitaliste achète le moins cher possible cette force de travail. Avec le perfectionnement du machinisme, le rôle du travailleur perd de sa complexité, justifiant ainsi la baisse de son salaire ou l’emploi de femmes (qui n'avaient en général pas de passif ouvrier) et d’enfants.

Engels écrivit dans Socialisme utopique et socialisme scientifique :

« C’est ce que fit la découverte de la plus-value. Il fut prouvé que l’apparition de travail non payé est la forme fondamentale du mode de production capitaliste et de l’exploitation de l’ouvrier qui en résulte ; que même lorsque le capitalisme paie la force de travail de son ouvrier à la pleine valeur qu’elle a sur le marché en tant que marchandise, il en tire pourtant plus de valeur qu’il n’en a payé pour elle ; et que cette plus-value constitue, en dernière analyse, la somme de valeur d’où provient la masse de capital sans cesse croissante accumulée entre les mains des classes possédantes. La marche de la production capitaliste, aussi bien que la production de capital, se trouvait expliquée. »

3.3 Propriété privée et crises économiques[modifier | modifier le wikicode]

Avec l'entrée dans le capitalisme industriel est apparu un phénomène nouveau : des crises économiques régulières, qui ne sont pas dues comme auparavant à des pénuries (mauvaises récoltes...), mais aux contradictions du système lui-même.

La concurrence pour le profit pousse les capitalistes à sans cesse perfectionner leur outils de production afin de produire plus et à moindre coup. Les premiers à innover bénéficient d'un surprofit, qui disparaît à mesure que l'innovation se généralise. Paradoxalement, cet alourdissement du capital tend à diminuer le taux de profit : même si la masse du profit est élevée, elle tend à représenter une part plus faible par rapport au capital investi. La conséquence est que les capitalistes tendent à trouver moins intéressants les investissements productifs, ce qui favorise la spéculation et la croissance du capital fictif par rapport à l'économie réelle. Ces bulles ne peuvent que finir par éclater, ce qui provoque une panique financière et une brusque chute des investissements. Les entreprises sont soudain face à une difficulté généralisée pour écouler leurs marchandises, en même temps que des masses de travailleur·ses se retrouvent appauvris. Le paroxysme de la crise se manifeste sous la forme d'une surproduction.

Cette contradiction du capitalisme est donc une contradiction entre d'un côté le fait que le travail productif est toujours plus socialisé (les secteurs industriels sont toujours plus interdépendants), et de l'autre le fait que la propriété privé des moyens de production est maintenue (donc la concurrence pour le profit au lieu d'une planification rationnelle).

4 Communisme et propriété privée[modifier | modifier le wikicode]

4.1 Communismes utopiques[modifier | modifier le wikicode]

Depuis qu'existent les sociétés de classe et l'écriture, des penseurs ont écrit des utopies, dont certaines évoquent des sociétés « communistes ». Parfois, des mouvements de luttes de classe ont revendiqué plus ou moins nettement des utopies communistes. Dans les sociétés précapitalistes, ces idées communistes avaient un caractère utopique, parce que les auteurs n'avaient aucun réel moyen d'envisager comment passer de l'existant à cet idéal. Elles envisageaient souvent une communauté des biens strictement assurée par des lois, morales ou traditions strictement appliquées.

4.2 Socialisation des moyens de production[modifier | modifier le wikicode]

Historiquement, la propriété privée a permis aux sociétés d’évoluer vers la société capitaliste, où potentiellement, tous les besoins humains pourraient être satisfaits. Mais la société capitaliste ne résout en rien la satisfaction des besoins de la population, car dans cette société, la propriété privée est détenue par une poignée de capitalistes pour qui les profits sont plus importants que la vie elle-même. Tant que la propriété privée des moyens de production sera maintenue, une poignée de capitalistes pourra décider de l’avenir du monde. Le seul moyen de retirer le pouvoir politique aux capitalistes, c’est de leur ôter le pouvoir économique en expropriant les grandes entreprises.

Il est impossible aujourd'hui d'envisager une transition au socialisme par un rachat des entreprises, étant donné l'extrême accaparement capitaliste (plus assez d'argent dans la sphère de l'État en comparaison de ce qu'il faudrait). Cela implique une rupture (ponctuelle) dans le droit de propriété en ce qui concerne les grandes entreprises, c'est-à-dire une révolution socialiste.

Ces grandes entreprises seraient ainsi socialisées, c'est-à-dire gérées par les travailleur·ses, hors de la logique du profit. Elles seraient ainsi gérées démocratiquement en fonction des besoins réels de la population et non plus des intérêts de quelques individus.

4.3 Socialisme et communisme[modifier | modifier le wikicode]

Marx évoquait déjà une distinction entre une « première phase de la société communiste », qui commence avec la révolution prolétarienne, et qui évolue progressivement jusqu'à une « phase supérieure de la société communiste ».[3] Lénine a formalisé et développé cette distinction, en parlant de phase socialiste et de phase communiste.

Dans la première phase, les grandes entreprises sont socialisées, mais un certain nombre de moyens de production (petite bourgeoisie) ne seraient pas encore socialisés. Ce qui implique que la planification ne serait pas totale, et que le marché existerait encore. Et bien évidemment, l'ensemble des préjugés et des réflexes individualistes n'auraient pas disparu instantanément. Par conséquent, la société ne peut pas encore donner à chaque individu ce qu'il veut sans demander un travail équivalent en échange. Il s'agit donc dans un premier temps d'une généralisation du modèle « à chacun selon son travail ».

Cette socialisation armocée, le socialisme évoluerait de lui-même vers une phase supérieure. Les nouveaux rapports socialistes de production et d'échange, associés à une hausse des forces productives pour répondre aux besoins, sont la base qui permet ensuite l'évolution vers des rapports de production et d'échange communistes.

« Dans une phase supérieure de la société communiste, quand auront disparu l'asservissante subordination des individus à la division du travail et, avec elle, l'opposition entre le travail intellectuel et le travail manuel; quand le travail ne sera pas seulement un moyen de vivre, mais deviendra lui-même le premier besoin vital; quand, avec le développement multiple des individus, les forces productives se seront accrues elles aussi et que toutes les sources de la richesse collective jailliront avec abondance, alors seulement l'horizon borné du droit bourgeois pourra être définitivement dépassé et la société pourra écrire sur ses drapeaux "De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins !" »[3]

Dans cette société d'abondance relative, l'argent n'aurait plus de nécessité d'exister, les biens de consommation pouvant être distribués en libre service. La seule restriction qui pourrait être envisagée, en raison des limites naturelles, serait un système de quotas pour certains biens (voyages en avion, poissons menacés de surpêche...).

Le communisme moderne ne suppose pas à proprement parler une communauté des biens comme dans les utopies idéalistes. La propriété des biens individuels serait non seulement possible, mais pour la première fois accessible réellement à toutes et tous. En revanche il apparaît plus que probable que dans une telle société, l'attachement aux biens matériels et l'envie iraient en diminuant, le besoin de reconnaissance passant de plus en plus par la contribution (techniques, artistiques, intellectuels...) à la société.

5 Théories sur le droit de propriété[modifier | modifier le wikicode]

Les théories - très idéologiques - sur le droit de propriété ont beaucoup varié au cours de l'histoire. Des théories marginales ont bien sûr existé à chaque époque (dont les critiques socialisantes), mais les grandes évolutions sont liées au changement dans l'infrastructure économique.

L'apparition des classes dominantes a constitué une première étape : il devenait alors nécessaire de défendre la propriété accaparée. Cela s'est fait bien entendu par le recours à la force chaque fois que nécessaire, mais aussi via une hégémonie idéologique. L'idée que la propriété est personnelle commençait à apparaître (faisant émerger en même temps la notion de vol punissable).

Cependant la propriété n'était pas encore essentielle. Le socle de la domination résidait dans l'exploitation des paysans, basée à l'origine sur le droit coutumier, le servage... au nom d'une supériorité de caste (clergé, noblesse...). A côté de ce rapport de production dominant, il arrivait que des mécanismes de marché conduisent à des enrichissements et des inégalités importantes (petits paysans qui s'endettent par exemple...). Même si cela demandait bien sûr des révoltes majeures, il arrivait relativement fréquemment que des annulations de dettes ou des repartages de terres soient effectuées. Dans l'opinion populaire, la propriété n'était pas sacrée au moins de trouver cela plus immoral que l'immoralité des riches égoïstes.

Par ailleurs les rois eux-mêmes ne donnaient pas l'exemple d'une sacralité de la propriété : il arrivait qu'ils refusent unilatéralement de payer leurs dettes envers de riches banquiers, voire qu'ils se saisissent violemment de leurs richesses.

Cela a profondément évolué avec l'essor du capitalisme. Dès l'époque moderne, le capital marchand a un rapport de force qui oblige les monarques à le respecter. Les révolutions bourgeoises ont sacralisé le droit de propriété, en en faisant un droit constitutionnel, imprescriptible...

Les idéologues plus ou moins socialistes, ou en tout cas réformateurs, ont toujours cherché à désacraliser le droit de propriété. L'immense majorité d'entre eux continuent d'en faire un droit important, mais en assumant que la puissance collective peut en fixer les limites et les faire varier en fonction des nécessités.

Par exemple, Saint-Simon distinguait le droit de propriété et la loi de propriété.

« C’est de la conservation du droit de propriété que dépend l’existence de la société, mais non de la conservation de la loi qui a primitivement consacré ce droit. Cette loi dépend elle-même d’une loi supérieure et plus générale qu’elle, de cette loi de nature en vertu de laquelle l’esprit humain fait de continuels progrès, loi dans laquelle toutes les sociétés puisent le droit de modifier et de perfectionner leurs institutions, loi suprême qui défend d’enchaîner les générations à venir par aucune disposition de quelque nature que ce soit. Ainsi donc ces questions : quelles sont les choses susceptibles de devenir des propriétés ? Par quels moyens les individus peuvent-ils acquérir les propriétés ? De quelle manière ont-ils le droit d’en user lorsqu’ils les ont acquises ?, sont des questions que les législateurs de tous les pays et de tous les temps ont le droit de traiter toutes les fois qu’ils le jugent convenable, car le droit individuel de propriété ne peut être fondé que sur l’utilité commune et générale de l’exercice de ce droit, utilité qui peut varier selon les temps. »[4]

La constitution allemande (1949) garantit la propriété privée mais indique que « son usage doit contribuer en même temps au bien de la collectivité ».[5]

6 Sources et références[modifier | modifier le wikicode]

  1. Karl Marx, Le Capital - Livre premier - VIII° section - Chapitre XXXIII, 1867
  2. Ludiwg Von Mises, Le Libéralisme, 1927
  3. 3,0 et 3,1 Karl Marx, Gloses marginales au programme du Parti Ouvrier allemand, 1875
  4. Claude-Henri de Rouvroy de Saint-Simon, Le Politique, 1819
  5. Texte de la Loi fondamentale sur le site du centre juridique franco-allemand