Bon sens

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Le « bon sens », ou « sens commun », est l'impression qui semble juste, plus ou moins spontanément, dans un groupe de gens.

Pour les philosophes, il est classique depuis très longtemps d'opposer le sens commun et l'opinion rationnelle, qui n'est pas forcément évidente (le sens commun peut se tromper). La majeure partie des philosophes dans l'histoire n'ont eu que mépris pour le sens commun (pour s'en distinguer), et leurs démarches idéalistes les ont souvent souvent conduit à négliger l'empirisme. Or parfois le sens commun peut exprimer davantage de vérité qu'une construction philosophique déductive et hermétique.

A l'inverse, l'appel au « gros bon sens » peut être une démarche anti-scientifique et anti-intellectuelle.

1 Les marxistes et le bon sens[modifier | modifier le wikicode]

Pour les marxistes, il faut avoir une certaine méfiance vis-à-vis du bon sens dans tout ce qui concerne les sujets sociaux, parce qu'ils sont quasiment toujours biaisés par l'idéologie dominante.

Marx a critiqué ceux qui réduisaient les crises du capitalisme à une question de pouvoir d'achat insuffisant, et qui se drapaient dans le bon sens :

« Mais si, pour donner une apparence de justification plus profonde à cette tautologie, on dit que la classe ouvrière reçoit une trop faible part de son propre produit et que cet inconvénient serait pallié dès qu'elle en recevrait une plus grande part, dès que s'accroîtrait en conséquence son salaire, il suffit de remarquer que les crises sont chaque fois préparées justement par une période de hausse générale des salaires, où la classe ouvrière obtient effectivement une plus grande part de la fraction du produit annuel destinée à la consommation. Du point de vue de ces chevaliers, qui rompent des lances en faveur du « simple » bon sens, cette période devrait au contraire éloigner la crise. Il semble donc que la production capitaliste implique des conditions qui n'ont rien à voir avec la bonne ou la mauvaise volonté, qui ne tolèrent cette prospérité relative de la classe ouvrière que passagèrement et toujours seulement comme signe annonciateur d'une crise. »[1]

Les penseurs anglais sont connus pour revendiquer un certain « pragmatisme » et donc un certain appel au sens commun. C'est dans ce sens que Trotski a raillé le « le bon sens du philistin anglo-saxon ».[2] Il consacre un chapitre de sa brochure Leur morale et la nôtre à la question du bon sens et de ses limites.

« Cette forme inférieure de l'intellect, nécessaire dans toutes les conditions, est aussi suffisante dans certaines conditions. Le capital principal du bon sens est fait de conclusions élémentaires tirées de l'expérience humaine : Ne mettez pas vos doigts dans le feu, suivez de préférence la ligne droite, ne taquinez pas les chiens méchants... et cætera, et cætera. Dans un milieu social stable, le bon sens se révèle suffisant pour faire du commerce, soigner des malades, écrire des articles, diriger un syndicat, voter au parlement, fonder une famille, croître et multiplier. Mais sitôt qu'il tente de sortir de ses limites naturelles pour intervenir sur le terrain des généralisations plus complexes, il n'est plus que le conglomérat des préjugés d'une certaine classe à une certaine époque. La simple crise du capitalisme le décontenance ; devant les catastrophes telles que les révolutions, les contre-révolutions et les guerres, le bon sens n'est plus qu'un imbécile tout rond. »[2]

2 Les populistes et le bon sens[modifier | modifier le wikicode]

Le discours typique de la petite-bourgeoisie consiste à présenter sa situation comme celle du « citoyen normal », porteur du bon sens et d'une gestion "en bon père de famille".

Cela ne se traduit pas systématiquement par une position réactionnaire. Par exemple le journal Le Bon Sens, était un journal progressiste d'opposition à la Monarchie de Juillet. Dans le contexte d'alors, le populisme de la petite-bourgeoisie était globalement progressiste.

Mais la petite-bourgeoisie s'est faite de plus en plus conservatrice vers la fin du 19e siècle (hormis la petite-bourgeoisie intellectuelle, qui de son côté invoque moins le bon sens). Cela va donc avec une tendance à idéaliser la petite propriété face au « grand capital financiarisé » d'en haut mais aussi face aux « assistés » d'en bas.

Pétain défendait l'idéologie corporatiste (union des intérêts ouvriers et patronaux) du régime de Vichy par l'appel au bon sens :

« Le bon sens indique, en effet, -lorsqu’il n’est pas obscurci par la passion ou par la chimère,-que l’intérêt primordial, essentiel, des membres d’un même métier, c’est la prospérité réelle de ce métier » (1er mai 1941).

3 Notes[modifier | modifier le wikicode]

  1. Karl Marx, Le Capital, Livre Deuxième, Tome II, Paris Éditions sociales, 1969, p. 63-64.
  2. 2,0 et 2,1 Léon Trotski, Leur morale et la nôtre, 6 juillet 1938