Rente

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Caricature de Daumier en 1834 figurant deux rentiers.

Très globalement, la rente est un revenu qui est tiré d'un patrimoine (plutôt que d'un travail). Il s'agit souvent d'une somme fixée à l'avance reçue périodiquement.

En particulier, le loyer perçu par le propriétaire d'un terrain ou d'un logement prisé est une rente foncière.

Mais il existe de nombreux autres types de rentes dans l'économie, souvent appelées rentes de situation. Par exemple lorsqu'un industriel est en situation de monopole et peut fixer des prix arbitrairement hauts, la part de surprofit qu'il empoche par rapport au profit qu'il ferait en situation de concurrence est une rente.

1 Rente foncière[modifier | modifier le wikicode]

🔍 Voir : Rente foncière.

Dans les sociétés précapitalistes, essentiellement basées sur l'agriculture, la principale forme de rente est la rente foncière. C'était la principale source de revenu des aristocrates et du haut clergé, formant la classe dominante.

L'essor de la bourgeoisie industrielle, classe issue de l'artisanat et devenue la locomotive du développement capitaliste, s'est accompagnée d'une critique des aristocrates vus comme oisifs et parasitaires, et d'une valorisation du profit industriel par rapport à la rente foncière. Lors de la révolution française, le décret du 4 août 1789 a plafonné à 3 000 livres annuelles les revenus tirés de rentes.

Certains penseurs libéraux ont même proposé des mesures visant à supprimer la rente foncière (nationalisation du sol, georgisme...), plus ou moins présentées comme des panacées pour assurer un développement optimal de l'industrie. Cependant ces critiques ont donné lieu à peu de concrétisations, hormis l'instauration de taxes foncières. L'antagonisme entre anciens aristocrates terriens et bourgeois industriels a largement disparu, tous se comportant désormais comme des bourgeois et faisant front derrière une même conception de la propriété privée.

Aujourd'hui le fardeau de la rente foncière est toujours bien présent. Dans les pays développés, ce n'est plus tellement dans l'agriculture qu'il se fait ressentir, mais dans le domaine du logement (les propriétaires bénéficient d'une rente foncière qui ponctionne les revenus des locataires).

2 Rentes de situation[modifier | modifier le wikicode]

L'industrie capitaliste a été globalement décrite comme un domaine où la concurrence empêche la formation de rentes, contrairement à la possession de foncier. Cependant, même si cela est moins systématique, il existe aussi des phénomènes de rente dans certaines situations (et particulièrement dans certains secteurs) dans l'industrie.

Dans sa théorisation de l'impérialisme comme stade suprême du capitalisme, Lénine soutenait que les éléments de parasitisme (phénomènes de rentes et de limitations de la concurrence) avaient pris une grande ampleur.

2.1 Monopoles[modifier | modifier le wikicode]

En particulier, dans les situations de monopole, qui permettent à une entreprise de fixer des prix plus élevés que les prix de marché, et donc de dégager un surprofit. Les situations d'oligopoles avec des ententes entre entreprises ont le même effet. Les États bourgeois sont obligés de limiter ces phénomènes quand ils prennent trop d'ampleur avec des régulations anti-trusts, même si dans la pratique le lobbying des grandes entreprises leur permet de bien défendre leurs intérêts. Les penseurs libéraux sont obligés de reconnaître l'existence d'une « concurrence imparfaite » dans le monde réel, par opposition au modèle de la « concurrence pure et parfaite ».

Paul Lafargue soutenait par exemple en 1882 que les chemins de fers privés étaient une source fondamentale de rente pour la féodalité financière, et que le gouvernement se plait à ses volontés malgré le fait que cela ponctionne les profits de l'industrie et de l'agriculture.[1]

Les revues scientifiques sont aujourd'hui dans une situation de quasi-monopole privé (Springer, Elsevier...). Cela créé une situation de rente pour ces entreprises, et des tarifs prohibitifs pour beaucoup de chercheurs, voire d'universités entières qui renoncent à leur abonnement.[2][3]

2.2 Fonds de commerce et Goodwill[modifier | modifier le wikicode]

Dans les entreprises du secteur du commerce, le succès repose en grande partie sur des facteurs immatériels comme l'accumulation d'une renommée et d'une bonne image de marque, ou d'une liste de fournisseurs / clients pour certains secteurs spécialisés... Ces éléments ont été regroupés sous le nom de « fond de commerce », et considérés comme un bien meuble qui compte dans les actifs de l'entreprise (par une fiction juridique).

Par extension de la notion de fond de commerce, la notion de « goodwill » a été théorisée pour l'ensemble de l'économie. Pour une entreprise industrielle (ex: Samsung / Apple) ces facteurs immatériels sont devenus très importants, même si la concurrence autour des coûts de productions reste le facteur sous-jacent primordial.

Les brevets et autres formes de propriété industrielle (marques...) sont destinés à apporter une rente de situation temporaire ou permanente au créateur en le protégeant notamment des contrefaçons.

2.3 Protectionnistes[modifier | modifier le wikicode]

Les mesures protectionnistes permettent également aux entreprises qui sont protégées de maintenir leurs profits dans des situations où la concurrence internationale les amèneraient à faire faillite, ou à s'adapter plus ou moins brutalement (licenciements, intensification du travail...). Du point de vue du marché international, le profit de ces entreprises devient alors en partie une rente de situation.

2.4 Pensions sous l'Ancien régime[modifier | modifier le wikicode]

Depuis le Moyen-Âge, les rois faisaient verser des pensions à certaines personnes, pour les remercier de leurs services, ou s'assurer de leur loyauté. Ces pensions correspondaient pour certains à ce qui serait aujourd'hui des retraites (par exemple pour certains domestiques de la cour, lorsqu'ils sont devenus inaptes au travail), mais pour beaucoup cela correspond à ce qui serait aujourd'hui une rente. Le gros de ces pensions (50%) allait à des membres de la petite noblesse militaire, pour services rendus lors de guerres, mais une énorme part était captée par une centaine de familles de la haute noblesse.

Sous Louis XIV, le phénomène parasitaire de la noblesse de cour était particulièrement développé :

« Il y avait environ 15 000 personnes admises à la cour, dont l'écrasante majorité n'était là que pour empocher un revenu lié à un titre. Il fallait, pour entretenir cette foule inutile, débourser le dixième des recettes de l’État. »[4]

L'intendant du Roi, Necker, rend publics pour la première fois les comptabilité de ces pensions en 1781, ce qui contribuera à la colère populaire contre l'aristocratie. Même dans la petite noblesse militaire, qui estimait avoir plus de mérite que la haute noblesse passant son temps à la cour, l'aspiration à une forme de méritocratie a été suffisamment forte pour qu'ils se retournent contre ce système, fonctionnant essentiellement sur l'arbitraire de la grâce royale. Des réformes ont été mises en place au cours du 18e siècle, mais souvent freinées. La révolution a accéléré la modernisation, mettant en avant la nécessité de critères transparents pour décider des conditions dans lesquelles les serviteurs de l'État recevraient des pensions.[5]

3 Finance[modifier | modifier le wikicode]

En finance, on parle aussi de rente perpétuelle pour désigner des emprunts perpétuels (sans remboursement du capital, mais avec versement d'intérêts réguliers et fixes) émis par un État, constituant une source de revenus pour un particulier.

4 Autres rentes[modifier | modifier le wikicode]

Une rente désigne aussi d'autres cas où une somme fixée à l'avance est reçue périodiquement par un particulier (par exemple chaque mois ou chaque année), pour une durée fixée d'avance (rente certaine) ou pour le reste de sa vie (rente viagère).

5 Autres éléments à importer / analyser[modifier | modifier le wikicode]

https://fr.wikipedia.org/wiki/Rente

https://fr.wikipedia.org/wiki/Rentier

6 Notes[modifier | modifier le wikicode]

  1. Paul Lafargue, L'ultimatum de Rothschild, 8 janvier 1882
  2. Olivier Ertzscheid, « Je ne publierai plus jamais dans une revue scientifique », mai 2016
  3. Nouveau Parti Anticapitaliste, Science : qu’on s’attaque à Elsevier plutôt qu’à Sci-hub !, avril 2019
  4. Karl Kautsky, Les antagonismes de classes à l'époque de la Révolution française, 1889
  5. Benoît Carré, Réformer les pensions au XVIIIe siècle, Conférence à l'IGPDE, Septembre 2023