Henri Tolain

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Tolain, Henri (phot. Bacard fils).jpeg

Henri Louis Tolain, né le à Paris dans le 12e arrondissement ancien[1] et mort le 4 mai 1897 dans le 7e arrondissement de Paris[2], est une figure du mouvement ouvrier et socialiste français.

C'est un des premiers dirigeants (de tendance proudhonienne) de la Première internationale, qui évolua vite vers la droite.

1 Biographie[modifier | modifier le wikicode]

Caricature de Henri Tolain parue dans Le Trombinoscope de Touchatout en 1873.

Il est fils d'Antoine Tolain, maître de danse et de Jeanne Louise Adélaïde Pouplan. Henri Tolain entre en apprentissage chez un ciseleur sur bronze. Il exercera d'ailleurs ce métier dans un atelier puis à domicile.

Il suit avec attention l'enseignement du républicain Jules Andrieu et lit beaucoup Proudhon. Après la loi de mars 1852, il participe au renouveau des sociétés mutuelles. Son rêve est que les coopératives de production fonctionnent sur le crédit mutuel. Dans les années 1860, le mouvement ouvrier renaît. En octobre 1861, il propose de faire élire des représentants des principaux métiers dans les grandes villes. Il est nommé secrétaire adjoint de la Commission de la rue du Temple. Cette commission procède aux élections des délégués parisiens. Il se présente aux élections législatives de mai 1863 mais se désiste. Il se présente ensuite aux partielles de la Seine en mars 1864. Le , il publie un article dans La Tribune Ouvrière dans lequel il se montre opposé aux cabarets et aux auteurs de romans.

1.1 Le Manifeste des Soixante[modifier | modifier le wikicode]

En 1864, avec l'aide du journaliste républicain Henri Lefort, Henri Tolain rédige un texte qui est signé par soixante ouvriers. Il est publié dans L'Opinion nationale. Ce manifeste est un programme de revendications sociales pour soutenir une candidature ouvrière à une élection partielle. Ce texte demande une réelle démocratie politique, économique et sociale. Il proteste contre l'exclusion des ouvriers de la vie politique. Il exprime aussi le désir que la place du monde du travail soit enfin reconnue dans la société. La grève est légalisée le , grâce à la loi Ollivier, à condition qu'elle ne provoque aucune violence, et qu'elle « n'atteigne pas la liberté du travail ».

Le manifeste des Soixante compte sept revendications immédiates :

  • Abroger l'article 1781 du Code Civil ainsi formulé : Le maître est cru sur son affirmation pour la quotité des gages, pour le paiement des salaires de l'année et pour les acomptes donnés pour l'année courante
  • Abolir la loi sur les coalitions
  • Créer des chambres syndicales
  • Élargir la compétence des sociétés de secours mutuels
  • Réglementer le travail des femmes
  • Réformer l'apprentissage
  • Rendre l'instruction primaire et professionnelle gratuite

1.2 L'Association Internationale des Travailleurs[modifier | modifier le wikicode]

En 1862, du 19 juillet au 15 octobre, des ouvriers français, dont Henri Tolain, sont envoyés à Londres lors de l'Exposition universelle pour étudier les produits et procédés de l'industrie anglaise. De ces échanges entre ouvriers anglais et français, il naît l'idée d'une grande association de travailleurs[3].

L'Association internationale des travailleurs (AIT) est fondée à Londres lors d'une grande réunion publique, à Saint Martin's Hall, le . Son principe fondamental est la conquête de l'émancipation de la classe ouvrière par la classe ouvrière elle-même.

Henri Tolain est la personnalité la plus influente du bureau parisien ouvert en janvier 1865, rue des Gravilliers. Il est l'un des trois secrétaires correspondants du bureau parisien chargés des relations avec le Conseil général de Londres jusqu'en 1867. Son influence sur le mouvement est à son apogée lorsqu'il écrit Mémoire des délégués français au congrès de l'Internationale de Genève (1866). Lors de ce congrès, seules trois grandes cités ouvrières de France sont représentées : Paris (par Tolain, Camélinat, Malon, Varlin, Fribourg...), Rouen et Lyon. À Genève est notamment adoptée la revendication de la limitation du temps de travail journalier à 8 heures maximum. Le refus du travail des femmes est également voté à l'initiative des mutuellistes proudhoniens. Par exemple pour Tolain, Fribourg ou Chemalé, « le travail des femmes doit être énergiquement condamné comme principe de dégénérescence pour la race et un des agents de démoralisation de la classe capitaliste ».[4]

Le deuxième congrès de l'AIT se tint à Lausanne en 1867. Il y avait 71 délégués présents, dont 18 Français (dont Tolain et Longuet). Les proudhoniens ne parviennent pas à prendre le contrôle de l'AIT. Ils sont notamment hostiles aux grèves, alors que le Conseil général les soutient.

Tolain aurait voulu maintenir le bureau parisien de l'AIT dans un rôle de cercle d'étude mutualiste, mais sous la pression des grèves de 1867 qui font suite à la crise économique, la section française est vue comme une source de troubles par le pouvoir. Au mois de décembre 1867, Tolain est perquisitionné. En mars 1868 il est condamné à 100 francs d'amende, suite à quoi il démissionne avec le reste de la commission parisienne (Varlin prenant le relais).

Il continuera à défendre le mutualisme et la propriété privée lors du congrès de Bruxelles (1868), et au congrès de Bâle (1869).

En 1870, l'Internationale a des sections française, belge, suisse, allemande, italienne, espagnole, portugaise, danoise, néerlandaise, autrichienne, américaine.

1.3 La trahison d'Henri Tolain[modifier | modifier le wikicode]

Tolain vu par les socialistes comme le Judas des ouvriers (dessin d'Eugène Rapp dans Le Cri du peuple, 1886).

Henri Tolain perd peu à peu de son influence. En effet, il ne trouve pas de corporation parisienne pour le déléguer au congrès de Bâle. Il doit se faire mandater par les boulangers de Marseille. On lui reproche sa proximité avec le Palais Royal et d'avoir abandonné « la blouse et le burin », car il travaille depuis 1867 aux écritures chez le ferblantier Chavagnat.

Après la défaite de Sedan, il est élu maire adjoint du 11e arrondissement (). Présenté aux élections législatives de février 1871 par l'Internationale, il est élu député de la Seine.

Or, une fois député, Henri Tolain désavoue la Commune, proclamée à la suite du soulèvement du 18 mars 1871. Le 12 avril, il est exclu pour « avoir déserté sa cause de la manière la plus lâche et la plus honteuse » par le Conseil fédéral des sections parisiennes de l'Internationale.

Dans un discours devant l'AIT en septembre 1871, Marx défend l'importance du parlementarisme, tout en citant Tolain comme mauvais exemple :

« Les gouvernements nous sont hostiles, il faut leur répondre par tous les moyens possibles que nous avons à notre disposition, mettre des ouvriers dans les parlements, c'est autant de gagné sur eux, mais il faut choisir des hommes et ne pas prendre des Tolain. »[5]

Il est ensuite élu sénateur de la Seine[6] en 1876, puis reconduit sans discontinuer dans ce mandat jusqu'à sa mort.

À partir de 1876, il est rapporteur de la loi sur les syndicats professionnels, qui ne sera votée qu'en 1884. Il devient une personnalité influente de l'« opportunisme » républicain, rôle dans lequel il reçoit de nombreuses critiques de la part des socialistes. À sa mort, le sénateur Tolain était questeur de la haute assemblée.

2 Sources[modifier | modifier le wikicode]

  • Dictionnaire biographique, mouvement ouvrier, mouvement social (Maîtron) : notice biographique.
  • Bernard Noël, Dictionnaire de la Commune, Flammarion, collection Champs, 1978
  • Jean Tulard, Dictionnaire du Second Empire,Librairie Arthème, Fayard, 1995
  • Jacques Marseille, Nouvelle Histoire de la France,Perrin,1999
  • Michel Mourre, Le petit Mourre Bordas, 2004
  • « Henri Tolain », dans Adolphe Robert et Gaston Cougny, Dictionnaire des parlementaires français, Edgar Bourloton, 1889-1891
  • Ressources relatives à la vie publique : Sénat, Assemblée nationale

3 Bibliographie[modifier | modifier le wikicode]

4 Notes et références[modifier | modifier le wikicode]

  1. Archives de Paris, fichier alphabétique des naissances de l’état-civil reconstitué.
  2. Archives de Paris, état-civil numérisé du 8e arrondissement, V4E 8645, registre des décès de l’année 1897, acte N°698, vue N°1 de la numérisation. Veuf, il meurt à 3h00 du matin à son domicile situé au n°19 de la rue Oudinot.
  3. Martial Delpit, Enquête parlementaire sur l'insurrection du 18 mars, Paris, 1872.
  4. Cité dans Michèle Riot-Sarcey, Histoire du féminisme, La Découverte, Paris, 2008, p. 53.
  5. Karl Marx, Discours de commémoration du septième anniversaire de l'Association internationale des travailleurs, le 25 septembre 1871 à Londres
  6. d'après le site du Sénat